En 1832, la ville de Roulers a reçu un drapeau d’honneur des mains du roi Léopold Ier en guise de remerciement pour l’envoi à Bruxelles de secours aux combattants de la révolution de 1830. Ce drapeau est aujourd’hui visible à la brasserie Rodenbach. Mais pourquoi ?
Il s’avère que le fondateur de la brasserie, Alexander Rodenbach (1786-1869), a joué un rôle lors de la révolution belge, tout comme ses frères Ferdinand (1783-1841), Constantin (1791-1846) et Pierre (1794-1848). Alexandre, Constantin et Pierre ont d’ailleurs reçu en 1835 la Croix de Fer, une décoration instituée afin de récompenser les combattants de la révolution belge.
Alexander Rodenbach |
En 1831, il est élu à la Chambre pour l’arrondissement de Roulers, où il siège jusqu’en 1868. Député du parti catholique, il fait preuve d’une grande activité. Le développement économique de la Flandre Orientale et de la Flandre Occidentale est son cheval de bataille. En parallèle, Alexander poursuit des actions en faveur des aveugles. A partir de 1840, bien que parlant un néerlandais médiocre, il s’engage en faveur du mouvement flamand. En 1854, il est fait officier de l'Ordre de Léopold. Il a reçu également une dizaine de décorations étrangères. Il a été bourgmestre de Rumbeke de 1844 à son décès en 1869. Il y a construit une gare, une bibliothèque, un hôpital, une nouvelle école communale et a modernisé le réseau routier. Une statue lui rend hommage à côte de l'église.
Constantin Rodenbach |
En 1831, Constantin est élu à la Chambre. Il y siège jusqu'en 1839. En 1832, il est également nommé commissaire d'arrondissement à Malines. L’année suivante, il publie « Episodes de la révolution dans les Flandres de 1829 à 1831 ». Avec son épouse, une descendante collatérale de Christoph Martin Wieland (1733-1813), surnommé le « Voltaire allemand », il entretient des contacts suivis avec Charles Nodier, Victor Hugo et Alexandre Dumas. En 1839, Constantin se lance dans la carrière diplomatique. D’abord ambassadeur en Suisse, il accède ensuite à un poste en Grèce. En 1846, il décède inopinément à Athènes et est inhumé sous un rocher en face de l’Acropole.
Manuscrit de la troisième version de la Brabançonne signé par Jenneval et Constantin Rodenbach |
Pierre Rodenbach a quant à lui fait carrière dans l’armée, d’abord française puis hollandaise, avant de démissionner en 1818. Dès juin 1829, il se fait connaître en remettant au roi Guillaume Ier des Pays une pétition rédigée par son frère Alexandre appelant à la libération de Louis de Potter et d’autres prisonniers politiques. S’inspirant d’un discours prononcé à Liège en juin 1829 par le roi Guillaume qui qualifiait d’infâmes les attaques incessantes de l’opposition, il institue avec son frère Constantin l’« Ordre de l’Infamie ». Les deux frères font frapper à Bruges des « médailles d’infamie » portant à l’avers la devise « Rex. lnfamia nobilitat, - Lex. Fidèle jusqu'à l'infamie », et au revers les articles 151 et 161 de la Loi Fondamentale concernant le droit de pétitionnement et le droit pour les Etats provinciaux de faire valoir leurs griefs auprès du Roi et des Etats-généraux.
Au début de la révolution, il cofonde la « Réunion centrale », un club de révolutionnaires réunissant également Charles Rogier. Il accourt à Bruxelles pour y organiser la première compagnie de volontaires dont il prend le commandement. Le 20 septembre, il attise la révolution à Louvain. Toujours durant ces Journées de Septembre, il se rend en chemin de fer à Lille afin d’accompagner l’exilé Louis de Potter dans son voyage de retour vers la Belgique où il rejoint le Gouvernement Provisoire.
Ensuite, Pierre se destine à la carrière militaire au sein de la toute nouvelle armée belge. En tant que colonel, il est chargé d’organiser le premier régiment de chasseurs à cheval. De 1831 à 1839, il est commandant de la place militaire de Bruxelles. Grâce à la fortune de sa femme, il rachète en 1836 les parts de ses frères dans l’entreprise familiale, la future brasserie Rodenbach. Même après sa démobilisation en juin 1839 (il a alors le grade de capitaine), il continue de vivre à Bruxelles et la gestion de l'entreprise est confiée à son épouse à Roulers. Il meurt en 1848.
Valentin Dupont
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