jeudi 7 avril 2011

Les provinces belges : le Hainaut




Certains auteurs ont exprimé l’avis que « Hainaut » pourrait venir du celtique Haie, Haig ou Hag, qui signifie forêt et de Nauw (épais, serré). Le pays était effectivement couvert jadis de bois touffus, mais d’autres régions gauloises portaient des forêts, plus épaisses encore que celles du Hainaut et le terme Haig ou Hag n’est pas pour autant intervenu dans la formation de leur nom. Il serait peut être plus conforme à la réalité de constater que le mot Gau ,Gaw ou Gow correspondant au latin Pagus, signifierait dans le langage des francs, district ou canton et de conclure que le « Hanagavensis comitatus » des écrivains latins, qui a par la suite été désigné par les expressions Hannonia, Hagensis, Hagnovium, Henau, Hainaut, fut peut-être tout simplement le Gau – district ou canton – de la Hana, de la Haine (Haina Hagina). La Haina pourrait être « l’eau des herbages » ou « la rivière des bois », ce qui serait vraisemblable puisque l’ancien Hainaut était dans sa plus grande partie recouvert par la Forêt charbonnière.

Les investigations dans le domaine de la langue finnoise porteraient, paraît-il, à admettre pour Haine, nom de rivière, une filiation avec Hanhi (oies) et Hanonia, nom de la région arrosée par cette rivière pourrait venir de Hanhoen (élevage ou abondance d’oies). Or on sait que la Belgique fournissait en abondance des oies à Rome.

Le territoire du Hainaut actuel fut habité primitivement par les Nerviens qui, réunis aux Atrébates et aux Véromandiens et conduits par Boduognat, furent défaits par les légions de César.

Envahi par les Francs, le Hainaut fit successivement partie intégrante de l’Austrasie, du royaume, puis du duché de Lotharingie et, dès le milieu du Xe siècle, du duché de Basse-Lotharingie. Son territoire était gouverné par un fonctionnaire qui portait, depuis 678, le nom de « Comes », d’où est venu le nom « Comte » ou « Gaugraf » en langue franque. Cette dignité, qui fut d’abord personnelle et révocable, ne devint héréditaire qu’au début du Xe siècle.

Accolé au sud de la frontière française, resserré entre la principauté épiscopale de Liège et celle de Cambrai, le Hainaut sembla tout d’abord destiné par être absorbé par ses voisins. Sans doute l’eût-il été si ses comtes n’avaient possédé la meilleure forteresse du temps : leur château de Mons, qui leur permit de résister à toutes les tempêtes et à tenir tête à la maison d’Ardenne que l’empereur avait dressée contre eux .

Ce fut le roi de Lotharingie Charles le Simple qui nomma premier comte héréditaire de Hainaut un petit-fils de l’empereur Lothaire, Régnier au Long Col. Ce personnage, batailleur et indépendant, était le fils de Gislebert, comte des Pays de Masau et de Lomme, qui avait épousé la princesse Ermengarde, puisque le Hainaut faisait partie de la Basse-Lotharingie, qui appartenait elle-même à l’empire germanique, Régnier au Long Col était donc feudataire de l’empereur, mais cette suzeraineté était plus nominale que réelle. En effet, pas plus que les grands feudataires lotharingiens, Régnier au Long Col n’accepta jamais l’autorité impériale que pour autant qu’elle demeure fictive.


Richilde
La chronologie des premiers dynastes hennuyers est fort incertaine. Il semble que Régnier II succéda à son père vers 916. Son fils, Régnier III, devint comte en 932 ; il entra en conflit avec l’archevêque-duc Bruno et l’on croit qu’il mourut en exil, en Bohême, vers 958. L’empereur confia alors le Hainaut à divers personnages qui se nommaient Richer, Garnier, Renaud, Arnould et Godefroid, auxquels le fils de Régnier III, Régnier IV, disputa son héritage. Après une longue guerre aux fortunes diverses, Régnier V épousa Mathilde, nièce du duc de Lotharingie, Godefroid 1er et fit, par ce mariage, disparaître les prétentions de la maison d’Ardenne sur le Hainaut. Il mourut vers 1040 laissant, selon le chroniqueur Jacques de Guise, une fille nommée Richilde, qui épousa Herman, fils du duc de Thuringe. Le comte Herman mourut vers 1051 et sa veuve Richilde épousa en secondes noces Baudouin de Mons, fils de Baudouin V de Flandre.


Baudouin Ier de Mons ou, si l’on préfère, Baudouin VI de Flandre, gouverna le Hainaut avec autant de prudence que de justice et de bonté. Il mourut vers 1070 et son fils Arnould, âgé de 15 ans, devint comte de Flandre et de Hainaut sous la tutelle de sa mère Richilde. Cette première union des comtés voisins ne dura guère : Robert le Frison, frère de Baudouin VI de Flandre, souleva bientôt la Flandre maritime contre son jeune neveu qui périt à la bataille de Cassel, le 23 février 1071. La comtesse Richilde continua une lutte sans espoir contre son beau-frère qui finit par lui laisser le Hainaut et conserva la Flandre. Le fils cadet de Richilde devint comte de Hainaut sous le nom de Baudouin II.

Son fils Baudouin III, qui lui succéda en 1098, épousa Yolande de Gueldre et mourut en 1120. Son héritier fut Baudouin IV, qui mérita le surnom de « Bâtisseur » en fortifiant Mons, le Quesnoy, Binche, Beaumont et Braine-la-Willotte qui changea de nom et s’appela dorénavant Braine-le-Comte. A sa mort, la couronne comtale passa à son fils Baudouin V, appelé « le Courageux » en souvenir de la victoire de Carnière remportée sur le duc de Brabant. Baudouin V obtint de l’empereur Barberousse l’investiture du comté de Namur, érigé pour lui en marquisat et qui releva féodalement du Hainaut jusqu’au règne de Philippe le Bon. Baudouin mit adroitement fin à la querelle entre le Hainaut et la Flandre en épousant Marguerite, sœur de Philippe d’Alsace. Le fils issu de cette union, Baudouin, devint empereur de Constantinople.

Statue équestre de Baudouin VI à Mons (1868)

Il périt sous les murs d’Andrinople et laissa deux filles, Jeanne et Marguerite de Constantinople, qui furent tour à tour comtesse de Hainaut et de Flandre.

Les fils de Marguerite de Constantinople issus de ses deux mariages successifs avec Bouchard d’Avesnes et de Guillaume de Dampierre se disputèrent l’héritage maternel.

En 1256, Saint-Louis arbitra leur querelle en attribuant la Flandre aux Dampierre et le Hainaut aux Avesnes.

Peu satisfait de ce partage, Jean d’Avesnes continua la lutte. Pour fortifier sa position, il conclut alliance avec le duc Henri II de Brabant et il épousa la comtesse Aélide, sœur de Guillaume de Hollande qui, à cause des liens de vassalité assujettissant la Zélande à la Flandre, était hostile aux Dampierre.

Jean II d'Avesnes
Jean d’Avesnes, qui ne fut donc jamais effectivement comte de Hainaut eut 5 fils dont l’aîné se qualifia « damoisel du Hainaut » et fut inauguré compte de Hainaut en 1280, à la mort de Marguerite de Constantinople. Le comté de Hollande, dont il était par sa mère le plus proche héritier, lui échut, lorsque le fils du comte Florent V mourut sans postérité.


Jean II d’Avesnes passa de vie à trépas en 1304. Son fils ainé, Jean sans Merci, ayant été tué deux ans auparavant à la bataille des Eperons d’Or, ce fût le puiné, Guillaume d’Ostrevant, qui devint comte de Hainaut. Ce jeune prince avait pris une part active à la lutte que son père avait soutenue contre les Dampierre. Vainqueur de Flamands à Kadzand et à Zierikzee, il avait soumis le comté de Zélande. Comte de Hainaut, de Hollande, de Zélande et Seigneur de la Frise, il régna jusqu’en 1337 et des réformes d’ordre social réprimant les actions de la noblesse lui valurent le surnom de « Guillaume le Bon ».


Son fils devint comte en 1337, sous le nom de Guillaume II.

Marguerite de Hainaut

Le dernier descendant direct de la maison d’Avesnes fut tué en 1345 et ses possessions passèrent à sa sœur, Marguerite de Hainaut, qui avait épousé l’empereur Louis de Bavière. L’impératrice d’Allemagne vint en personne prendre possession du Hainaut. Elle mourut au Quesnoy en 1356 et son fils devint comte du Hainaut. Deux ans après, il sombra dans une démence furieuse : la régence fut assumée par son frère cadet Albert de Bavière, qui hérita des domaines de Guillaume III l’Insensé à la mort de celui-ci, survenue en 1377 selon les uns, en 1388 selon les autres.


Le fils ainé d’Albert de Bavière et de Marguerite de Lichnitz lui succéda sous le nom de Guillaume IV.

Guillaume IV, qui avait épousé la fille du duc de Bourgogne, Philippe le Hardi, n’eut qu’une fille, Jacqueline de Bavière.


Jacqueline de Bavière
Cette jeune princesse, née en 1401, fut fiancée à l’âge de cinq ans à Jean de Touraine qu’elle épousa en 1415, lorsqu’il fût devenu Dauphin de France. Après deux ans de mariage, son jeune époux mourut, empoisonné par les Armagnacs. L’année suivante, Jacqueline de Bavière, alors âgée de dix-sept ans, convola avec Jean IV, duc de Brabant. Elle abandonna vite son deuxième mari et se remaria aussitôt avec le frère du roi d’Angleterre, Humphroy de Gloucester, qui réclama immédiatement au duc de Brabant les Etats de sa femme. Jean IV se refusa à cette restitution. Il en appela au duc de Bourgogne qui, voyant là un excellent moyen d’ajouter à ses propres domaines des terres nouvelles, soutint militairement les Brabançons dans la guerre qui s’engagea. Gloucester, comprenant que la partie était perdue à l’avance, s’en retourna en Angleterre.

En dépit de ses mariages successifs, Jacqueline de Bavière – qui avait ensuite épousé François de Borselen – mourut sans postérité en 1436. Le comté de Hainaut fut alors englobé dans les domaines de Philippe le Bon et il connut le même sort que les autres principautés belges.

Sous l’occupation française, l’ancien comté de Hainaut devint le département de Jemappes dont la configuration géographique était à peu près celle de l’actuelle province de Hainaut. En 1859, le titre de comte de Hainaut fut conféré au prince Léopold-Ferdinand, petit-fils de Léopold 1er, mais cet enfant mourût à l’âge de 10 ans.

Le 10 septembre 1930, S.M. Albert 1er décida que son petit-fils, le prince Baudouin, porterait ce même titre qui, à l’avenir, sera toujours celui du fils ainé du duc de Brabant. Le prince Baudouin abandonna le titre de comte de Hainaut lorsqu’il hérita de celui de duc de Brabant.

Bernard Coomans de Brachène
Membre de Pro Belgica
Administrateur de Pro Belgica

3 commentaires:

  1. Je ne sais pas quelles sont vos sources, mais cet article d'histoire m'a énormément plu, je vous en remercie et vous félicite.

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  2. Il y a des raccourcis historiques déformants, surtout à propos de Jacqueline de Bavière. J'ai eu loisir d'étudier ce personnage et je n'en dirais pas ce que vous avez écrit. fernand.samsoen(at)skynet.be

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    1. Merci Monsieur pour votre commentaire.

      Cet article que nous avons publié a été rédigé par un ancien administrateur de notre association. Si vous le souhaitez, n'hésitez à nous envoyer vos remarques historiques de manière à modifier l'article.

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