dimanche 21 juin 2015

Commémoration du 13 juin 2015 à Orroir aussi en mémoire de la Shoah

René et Alfred Knoll invités aux cérémonies patriotiques du « Drapeau éternel ». Pendant la guerre, ils étaient des enfants juifs, deux frères recueillis par la famille Laurier à la « Laiterie de l’Enclus ». 

Le village d’Orroir commémore chaque année en juin les actes de résistance de ses 5 fusillés d’Oostakker le 14 juin 1944 et des déportés exterminés dans les camps nazis. Le 13 juin 2015, d’autres faits de résistance ont été évoqués : la famille Laurier (cinq sœurs : Anna, Berthe, Maria, Léonie et Marguerite) cachaient René et Alfred Knoll et les ont ainsi sauvés de l’extermination nazie. L’Etat d’Israël décerna le 13 octobre 1994 la médaille de « Justes parmi les nations » à la famille Laurier. Leur nom est gravé sur le « mur des Justes des nations » au mémorial Yad Vashem à Jérusalem, le site de la mémoire des héros et des martyrs de la Shoah. 

Les enfants juifs et l’étoile jaune 

Dès le début de l’occupation de la Belgique par les Allemands en mai 1940, une administration militaire allemande coexista avec l'administration civile belge. Les Allemands mirent notamment en place des lois et des décrets contre les Juifs. Ils limitèrent leurs droits civils, confisquèrent leurs biens et leurs entreprises, leur interdirent certaines professions et en mai 1942, leur ordonnèrent de porter de l'étoile jaune. 

Dès l’âge de 6 ans, il était interdit aux Juifs de paraître en public sans un signe distinctif : une étoile jaune ; elle était en tissu jaune et portait, en caractères noirs, l'inscription « J » (de juif ou jood en Belgique) ; l’étoile devait être portée bien visiblement sur le côté gauche de la poitrine, solidement cousue sur le vêtement. 

A « la Laiterie » à Orroir : 11 enfants de 2 à 9 ans 

En 1942, Liliane Dupont avait 16 ans ; elle était la fille d’Anna Laurier et habitait Orroir, à « la Laiterie de l’Enclus ». En compagnie de ses parents, sa grand-mère Alida Arco et une autre tante Léonie Laurier et son mari Henri Franchomme. Liliane Dupont se souvient : « J’étais élève à Forest et résidait à Bruxelles où j’avais 3 tantes (les 3 sœurs de ma mère Anna), nous dit Liliane Dupont, J’avais parmi mes amies d’école quelques filles juives. Avant le port obligatoire de l’étoile jaune, nous étions tous belges et nous avions beaucoup de sympathie l’une pour l’autre. Quand le port de l’étoile juive fut obligatoire, ce fut la consternation, puis la peur. Certaines de mes amies furent arrêtées avec leur famille et je n’entendis jamais plus parler d’elles. » En mai 1942, ces événements incitèrent la famille de Liliane à faire quelque chose pour tous ces enfants juifs qui souffraient. Une filière s’établit entre Bruxelles et Orroir via des réseaux de résistance. « Parmi les 11 enfants recueillis figuraient notamment René Knoll, le plus âgé, son frère Alfred Knoll, tout petit » poursuit Liliane Dupont. 

En tout, 11 enfants viendront à la Laiterie de l’Enclus : « Tous ces enfants étaient aimés, comme les enfants de la maison. Nous disions qu’ils étaient des enfants réfugiés d’Anvers suite aux bombardements de la ville d’Anvers. » 

René Knoll habite la région parisienne, son frère Alfred habite en Israël. Ils étaient présents et très émus le 13 juin à Orroir pour les cérémonies du Souvenir. Liliane Dupont les accompagnait. 

Après la guerre 

A la libération en septembre 1944, l’ensemble des enfants ont quittés Orroir, retournés chez eux avec leurs parents ou leur famille rescapés des rafles nazies. Seul René Knoll qui avait perdu toute sa proche famille est resté à Orroir jusqu’en 1946. L'organisation juive OSE (Œuvre de Secours aux Enfants) vient le chercher pour le placer en Maison d'Enfants à Profondsart près de Waterloo. En 1947, un oncle de son père, ayant retrouvé sa trace, est venu le chercher et l’a repris chez lui à Paris. Ce départ en 1946 provoqua un grand chagrin la famille Laurier et pour René, le seul à revenir régulièrement avec sa famille rendre visite à Liliane Dupont. 

Le merci du monde juif 

A Yad Vashem, le mémorial national de la Shoah en Israël, près de 16 000 personnes ont été, à cette date, identifiées et un hommage leur est rendu dans le cadre d'un projet créé par une loi de 1963. Ce sont les "Justes parmi les nations". Les personnes reconnues comme telles reçoivent la médaille des Justes et un certificat honorifique. 

Cette distinction est remise au plus proche parent en cas de reconnaissance posthume. Ainsi, Liliane Dupont recevait le 9 décembre 1994 à Bruxelles des mains de l’ambassadeur d’Israël en Belgique M. Victor Harel l’hommage de Justes parmi les Nations, titre attribué aux cinq sœurs Laurier. En outre, leurs noms sont inscrits sur le Mur d'honneur du Jardin des Justes à Yad Vashem (Jérusalem). C'est la distinction suprême décernée à des non-juifs par l'Etat d'Israël, au nom du peuple juif. 

L’accueil du président Jean-Paul Béghin 

Pour présenter les frères Knoll, le président avait choisi la plaque commémorative des six résistants d’Orroir exterminés dans les camps nazis : 

« Sur cette plaque sont écrits le nom de Neuengamme, Mauthausen, Ravensbrück les camps d’extermination nazis où sont disparus des gens d’Orroir. 

C’était là notamment que s’écrivait la « solution finale » d’Hitler. Quand ceux qui portaient l’étoile jaune y entraient et n’en sortaient jamais. Pour sauver des enfants juifs, une filière s’établit entre Bruxelles et Orroir entre quatre sœurs de la famille Laurier. 

René Knoll nous explique son séjour à Orroir Je lui cède la parole… » 

Le merci de René Knoll 

René Knoll associa son frère Alfred à quelques mots de remerciements : 

« Nous commémorons aujourd'hui les héros d'Orroir tombés sous les balles de l'occupant nazi. 

Ce monument et ce drapeau éternel, je les vois chaque année lorsque je viens avec ma famille de France pour le souvenir des années vécues ici en tant qu'enfant caché. Orroir a écrit une page glorieuse de la Résistance. 

Mais une autre page a été écrite ici pendant les années 1943-1944 jour après jour. C'est l'épopée des « Justes parmi les nations ». 

Ici 11 enfants ont été cachés et élevés par les familles Franchomme-Laurier. Hébergés à la Laiterie de l'Enclus chez Henri et Léonie Franchomme-Laurier, à la maison d’Anna Laurier et dans des fermes des environs. Je suis l’un de ces 11. J'avais 9 ans et mon frère, Alfred, ici présent avait 8 mois. 

Nous réalisons seulement depuis nos âges adultes ce que les 5 sœurs Laurier: Berthe, Marguerite, Maria à Bruxelles; Léonie et Anna à Orroir, ont réalisé en nous protégeant et nous faisant vivre une vie d'enfant à la campagne. Je n'oublie pas Liliane Dupont, fille d'Anna Laurier, ici présente, qui a agi dans le plus grand secret. Tout cela s'est passé à la Laiterie de l'Enclus et dans la maison d'Anna, rue de l'Alouette, mais également avec l'aide de connaissances de la région. Je me souviens par exemple d'avoir vécu plusieurs semaines dans une ferme de Ruien. Ce n'est que beaucoup plus tard que j'appris que des informations circulaient à la kommandantur de Courtrai sur notre présence ici. Finalement rien ne s'est passé mais on peut s'imaginer l'angoisse des adultes. 

Les sœurs Laurier représentent ce que l'Humanité a de plus beau. Leur nom figure pour toujours au jardin des Justes du musée Yad Vachem à Jérusalem. »

Liliane Dupont entre Alfred Knoll (à sa gauche) et René Knoll
© Philippe Duponcheel

Décor multicolore dans le chœur de l'église
© Philippe Duponcheel

Devant le monument des cinq fusillés d'Orroir
© Philippe Duponcheel

Devant le monument des cinq fusillés d'Orroir
© Philippe Duponcheel

Alfred Knoll
© Philippe Duponcheel

René Knoll
© Philippe Duponcheel


Reportage de Notélé : lien 

Merci à Jean-Paul Béghin, Président du Comité de la Mémoire de Mont-de-l’Enclus, du Relais de la Mémoire de Mont-d-l’Enclus et de la Section locale de la F.N.C., ainsi que membre de Pro Belgica Hainaut pour son compte-rendu.

Documents photographiques : Philippe Duponcheel

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